Il y a des week-ends où l’on s’ennuie fermement : grisaille, Michel Drucker et pâté Hénaff pour le dimanche soir. Pas terrible pour reprendre le boulot avec la patate… Et il y en a d’autres qui vous redonnent du souffle, l’envie de décoller le tartan, de faire des tours de piste à l’envers.
Celui du 20-21 juin, fête de la musique oblige, était de cette trempe. Nous partîmes à trois équipes de 4 coureurs pour disputer le trail HDB (17 km) à Quessoy, en Côtes d’Armor. Conjointes, enfants, chien (nous y reviendrons) étaient du voyage. Soit au total un groupe de « métalleux » de 25 unités trempées dans l’acier, prêt à partager le goût de l’effort collectif, de la saucisse bretonne et des soirées iodées.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il fut servi, le groupe !
Le vendredi soir fut une veille de course classique : Florent avala l’équivalent de son poids en riz, Claude distilla ses conseils tactiques que Laurent n’écoutait pas. Quant à moi, je fis attention à ne pas trop glisser vers les Côtes du Rhône. Martine, Béatrice et Laurence, nos conjointes, partageaient passionnément notre préparation mentale.
Le samedi matin, vent debout ! Direction le marché d’Erquy pour y acheter la fameuse saucisse de la charcuterie Bihoué (Plémet : 02 96 25 68 03) en vue de la remise en jeu du titre de « meilleure saucisse du Monde », remporté il y a un an par Nicolas Huerta avec sa production de Trégueux (dans des conditions de transparence proches de la FIFA).
Retour de marché : les coureurs qui avaient préféré partir à la fraîche nantaise arrivaient progressivement : Manu et Jean, Olivier, Brice, Christelle, Jean-Noël en claquettes d’Allemand et enfin Etienne qui avait fait le déplacement en famille et en cuissard de couleur bleu pétard.
Prévoyants, les arrivants de la première heure avaient déjà répondu à la convocation de Claude : « Il faudra arriver au gîte vers 10h30, pour manger à 10h45 un petit-déjeuner amélioré mais pas trop quand même car sinon on est trop lourd pour courir ». Collation avalée coach, repos !
Un petit café, un dernier coup d’oeil dans le sac et direction le Château de la Ville-Davy. Après avoir écouté les conseils itinéraires de Claude – « C’est tout droit ! » – nous décidâmes de prendre à gauche alors que Claude poursuivit sur son idée première jusqu’à nous retrouver sur le parking champêtre de la Ville-Davy, un lycée agricole transformé en rassemblement sportif avec plus de 250 équipes inscrites.
La chaleur était lourde, les vaches alanguies mais les coeurs joyeux. L’organisation de cette course était sans faille de sorte que l’on se croyait au prologue du Tour de France : départ différé toutes les 45 secondes, photos d’équipe et présentation d’avant-course sur un podium, écran géant avec résultats en temps réel. Quelques photos-souvenirs devant la buvette et en route pour les trois équipes « métallos » : Laurent, Christelle, Brice et Etienne, puis Claude, Manu, Olivier et Nicolas et enfin, Jean, Florent, Jean-Noël et moi-même.
Peu avant de partir à 14h09, j’improvisais un cri de guerre prémonitoire : « On court ensemble, on meurt ensemble ! ». Ne nous attardons pas ici sur les performances individuelles car ce n’était pas l’objectif de cette course qui privilégiait l’effort collectif et que l’important, c’est bien connu, est de participer. Un peu quand même ? Ok : après avoir rattrapé l’équipe de Laurent qui, souffrant d’un début de tendinite traînait la patte dans des sentiers bretons surchauffés, ma fringante équipe reprenait le deuxième groupe aux environs du 10ème kilomètre avec, il est vrai, un poil de condescendance. Quelques kilomètres plus loin, celui qui écrit ces lignes, nettement moins gaillard, mettait le clignotant, titubant, en vue d’un inéluctable et culpabilisant abandon. « Laissez-moi là les gars et finissez la course » déclarai-je, dans une tirade d’une grande dignité. C’est grâce aux encouragements répétés de mes coéquipiers et de ceux d’un coureur du coin qui su trouver les mots justes que je repris péniblement la course. Malgré les poussettes de Florent dans les côtes, puis tout au long des derniers kilomètres, je finis ce calvaire breton « en vrac » mais au milieu des mes copains. L’essentiel était là. Une bonne bière pour faire descendre la pression et direction la plage de sable fin des Hôpitaux à Erquy pour une baignade dans des eaux couleur émeraude. Ni une ni deux, Manu fut le plus courageux (l’eau dépassait allègrement les 15 degrés !). Olivier, tout aussi téméraire, Brice tout en souplesse, Jean-No tout en expérience, Jean tout en force… l’équipe masculine se détendait les mollets tandis que Christelle, la féminine de l’étape, hésitait d’hésiter à mouiller son tee-shirt blanc Puma durement gagné à la course. C’est un modèle identique de taille L, le mien, qui vira au rouge sang quelques minutes plus tard après qu’un chien qui s’en prenait au mien m’eut mordu au visage. Je quittais cette « scène surréaliste » (dixit Bénédicte) pour me faire poser un point de soudure (métallo oblige) à la maison médicale de Lamballe.
De retour en soirée, mes coéquipiers et leur famille étaient là, réunis aux deux gîtes loués à Erquy. Les bières fraîches, le barbecue ardent, l’ambiance déjà bien entamée, la soirée ne faisait que commencer… Je tairai ici les échanges qui s’en suivirent sur la tactique de course de Claude et qui pourrait inspirer nos futurs concurrents, les traits d’esprit d’Etienne sur les « galettes saucisses pas chaudes », les piques toute en finesse de Brice ou les explications de Jean sur la méthode traditionnelle dans les chais d’Anjou…
Le dimanche fut tantôt en mode « récup’ » pour les coureurs les plus courageux, « découverte » pour les plus curieux ou « rangement » pour Christelle, lâchement abandonnée par des compagnons de chambrée machistes. Après un ultime repas collectif, repus d’émotions et de gâteaux apéro, nous prîmes date pour l’édition 2016 car si la course est incertaine, une chose est sûre : la Bretagne, ça vous gagne !
Richard